La gargoulette par Théophile Gautier
William-Adolphe Bouguereau (1886) ©Domaine Public
Loin de Paris par Théophile Gautier
1823, Michel Lévy Frères, Libraires Editeurs
Extrait sur la gargoulette :
"En revanche, les marchands d'alcarrazas, de gargoulettes et de vases à contenir ou à rafraîchir l'eau abondent. La poterie arabe n'a rien de nouveau pour qui connaît la céramique espagnole, qui en a retenu presque toutes les formes. Le cantaro, la jarra, la tinaja se retrouvent sur l'autre rive de la Méditerranée; la gargoulette, qui est d'un usage plus général, est un vase à goulot allongé, à ventre d'un renflement brusque où s'agencent deux anses crénelées ; quelques gaufrures rubanées, faites à la pointe de l'ébauchoir dans l'argile encore humide, et pareilles aux dessins que tracent les ménagères sur leurs gâteaux, zèbrent les flancs et le col. A l'orifice se trouve une petite plaque aussi de terre, percée de trous comme une passoire, qui empêche l'eau de jaillir trop impétueusement lorsqu'on penche la gargoulette, et la maintient plus fraîche en l'isolant de l'air extérieur. Les pots kabyles présentent une particularité assez curieuse : ils sont doubles et communiquent ensemble par un petit système hydraulique qui rend difficile d'y boire quand on n'en a pas l'habitude. C'est dans ces boutiques que se vendent les fourneaux pour le kouskoussou, qui se cuit à la vapeur; les vases de terre sans fond et à large goulot dont on fait les tarboukas (tambourins) en y tendant une peau d'âne, de sorte que le potier est en même temps luthier, et vend de la vaisselle et des instruments de musique par un cumul ingénieux dont les civilisés ne s'aviseraient pas."
Théophile Gautier