Poteries acoustiques d'antan

Publié le par afa







AA : Vase acoustique de terre rougeâtre, à raies horizontales, fermé par les deux bouts et ayant une bouche circulaire pour laisser entrer le son. Ce vase, destiné à répercuter la voix a été trouvé en 1862, dans le mur du choeur de Saint-Laurent-en-Caux, près de Doudeville, lors de la démolition du vieil édifice.
BB : Vases acoustiques provenant du clocher-choeur de l'église abbatiale de Montivilliers
C : Vase acoustique de grès, trouvé en 1858, dans le choeur de Fry (canton d'Argueil, arrondissement de Neufchâtel) présumé du XVIe siècle
D : Vase acoustique de grès, trouvé en 1863 dans le choeur de Sotteville les Rouen, présumé du XVIe siècle comme l'église démolie.



Article de Édouard Charton (1864 - Le magasin pittoresque‎)


     " L'un des premiers, M. Didron cita dans ses Annales un fait qui constate l'existence de poteries acoustiques  en France. En 1842, un correspondant de l'ancien comité des arts et monuments signala à la section d'archéologie la découverte récente de cornets de terre cuite dans l'église de Saint-Biaise d'Arles. Ces cornets, qui correspondent à des pots de 22 centimètres de diamètre, étaient placés dans l'épaisseur du mur. Quant à leur date, il n'en savait dire autre chose, sinon que l'on croyait l'église de 1280 . A cette observation, M. Didron a ajouté un texte précieux, extrait de la Chronique des Célestins de Metz (quinzième siècle), publiée par M. de Bouteiller dans sa Notice sur un couvent de cet ordre dans la capitale de l'ancienne Austrasie. Voici ce qu'écrivait le chroniqueur messin en l'année 1432 : «En cest année dessus dit, au mois d'aoust, la vigile de l'Assomption Nostre-Dame, après que frère Ode Leroy, prieur de céans, fust retournez du chapitre de dessus dit, il fist ordonner de mettre les pots au cuer de l'église de céans, portant qu'il avoit vu autre part en aucune église pensant qu'il y fesoit meilleur chanter et qu'il cy resonneroit plus fort, et furent mis en ung jour; on print tant d'ouvriers qu'il suffisoit. »

     A l'appui de ces faits, qui montrent la coutume des poteries acoustiques établie sur deux points extrêmes de notre France, un de nos collaborateurs, M. l'abbé Cochet, nous communique quelques preuves recueillies en Normandie pendant les trente années d'études qu'il a faites sur les églises de cette province. La Normandie a ceci d'intéressant en matière historique qu'elle est pour la Norvège le berceau du christianisme, et pour l'Angleterre le point de départ d'une architecture nouvelle. Dans l'espace de trente années, M. l'abbé Cochet a eu l'occasion d'observer cinq ou six fois, dans les églises de la Seine-Inférieure, ce détail particulier. On comprend aisément que ce genre d'observation est d'autant plus difficile qu'il ne peut guère avoir lieu que lors de la démolition d'une église, et les ouvriers qui démolissent nos vieux monuments sont rarement assez curieux de recherches de cette nature pour avoir même l'idée d'avertir les archéologues.

     Cependant en 1862, lors de la destruction de la vieille église de Saint-Laurent en Caux (canton de Doudeville), les ouvriers signalèrent un grand vase de terre dont la forme ne les étonna pas moins que la position. Placé à l'un des angles du chœur, ce vase était encore tout couvert du mortier qui l'avait enveloppé. Sa forme est celle d'un cône fermé par les deux bouts. Il n'a d'autre ouverture qu'un bec qu'il présentait en forme de corne à la surface du mur. Des cannelures horizontales sillonnent l'extérieur du vase, qui, par sa forme, nous semble se rapprocher de ceux du treizième siècle. On y remarque les mêmes particularités de fabrication que sur des vases de cette époque trouvés à Leure, en 1856, dans la tombe de Pierre Bérenguier .  Nous donnons le dessin de ce vase étrange. Il semble bien avoir été expressément fait dans un but acoustique.

     En 1852, dans l'église aujourd'hui démolie d'Alvimare (canton de Fauville), on a remarqué des trous circulaires pratiqués au milieu des prismes qui tapissaient les piliers du chœur et du clocher. Ces trous n'étaient autre chose que l'ouverture de vases de terre placés dans les murs comme agents de répercussion. Dans l'église du Mont-aux-Malades, prés de Rouen, des vases remplissaient les fenestrelles rebouchées de la nef et du chœur. On les a retrouvés en 1842, lorsque l'on fit revivre les cintres romans du douzième siècle ; mais l'opération acoustique devait dater du dix-septième siécle.
On a encore observé des vases acoustiques dans l'église de Contremoulins, prés Fécamp, et dans les ruines du chœur de Péruel, prés Perriers-sur-Andelle (arrondissement des Andelys)."



Chronique normande
par Jean Benoît Désiré Cochet (abbé Cochet) - 1867

     "Les démolitions d'église amènent presque toujours des découvertes intéressantes. L'année dernière la destruction de la vieille église de
Bellencombre, en nous donnant plusieurs vases acoustiques, nous a révélé tout un système de répercussion organisé au siècle dernier. Cette année le chœur de Saint-Laurent-de-Brèvedent (canton de Saint-Romain-de-Colbosc) vient d'être abattu pour faire place à une nef nouvelle. De cette église romane du XIIe siècle, on a conservé le clocher, monument remarqnable dont les fenêtres sont pleines d'élégance.
     Il y a quelques années les poteries acoustiques de nos églises étaient à peine connues : elles n'étaient guère observées que par quelques rares amateurs qui les considéraient comme une exception, comme une curiosité, comme une bizarrerie. Aujourd'hui elles passent à l'état de règle. On ne saurait, je ne dis pas démolir, mais seulement restaurer une église, sans en rencontrer quelques-unes. Depuis quelques années nous en avons recueilli dans les églises de Bellencombre, de Saint-Laurent-en-Caux et de Sotteville-lès-Rouen."



Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle‎ (1864) par Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc :

     "POT, s. m. Les architectes du moyen âge qui placé parfois à l'intérieur des édifices religieux, dans les parements des murs, des pots acoustiques de terre cuite, probablement pour augmenter la sonorité des vaisseaux. Nous avons fréquemment constaté la présence de ces pots dans les chœurs des églises des XIIe et XIIIe siècles. Plusieurs archéologues ont fait les mêmes observations. Ces poteries sont généralement engagées dans la maçonnerie, ne laissant voir à l'intérieur que leur orifice au nu du mur. Elles sont placées à différentes hauteurs et parfois en quinconce, mais particulièrement près des angles. Il en existe dans l'abside carrée de l'église de Montréale (Yonne), dans l'église de Saint-Laurent en Caux, à l'abbaye de Montivilliers, dans les églises de Contremoulins près Fécamp, de Perruel près Périers-sur-Andelle (arrondissement des Andelys). La  Normandie est peut-être la province où ces poteries acoustiques ont été le plus fréquemment employées pour donner de la sonorité aux chœurs, mais on en trouve aussi dans des monuments de Provence, et notamment dans l'église de Saint-Biaise, à Arles."







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C
Génial, mais je ne comprends pas bien (encore) comment ça marchePour ma part j'ai fait une ruche solaire en terre (visible sur mon blog) et j'ai fait des essais de carrelage médiévaux pas postés, partis déjà....Comme je travaille la terre, le grès et tout le reste, je suis capable de faire ce dont il est question. Mais franchement, c'est pas facile à comprendre. Ce sont des chambres d'écho??J'habite dans une maison ancienne et on refait un hangar (mur en pierre, etc) Si on inclus un vase acoustique, quelle forme, en grès, ou en terre chamottée rouge et où, en haut , dans un angle?? Quel effet sur l'acoustique?je suis prête aux expérience.Christiane
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